Les cartes mentales représentent un espace tel qu’il est perçu par les habitants plutôt que tel qu’il est présenté sur les “cartes officielles” (p. ex. les cartes que vous pouvez charger à partir de ressources cantonales ou d’OpenStreetMap). Une carte mentale ne s’inscrira souvent pas dans une vision topographique de l’espace, avec ses coordonnées, sa projection, son rapport direct à l’espace euclidien.
Au sens strict, une carte mentale est le dessin d’un espace vécu dessiné par chacun de vos interlocuteurs. Il est cependant parfaitement envisageable de faire intervenir d’autres éléments et outils: des logiciels de dessin et de design, des photographies, des modèles de plastiline posés sur un carton… Dans certaines situations, il sera même pertinent d’imprimer un fond de carte topographique dans une couleur neutre (dégradés de gris) et laisser vos interlocuteurs dessiner dessus. Tant que votre méthodologie reste systématique et cohérente avec vos objectifs de recherche, le champ des possibles est ouvert.
Pour que la méthode vous permette de comprendre le territoire vécu au-delà de la vision idiosyncrasique d’un seul individu, il est important d’interroger au moins une dizaine de personnes, choisies de manière statistiquement représentative (sexe, groupes d’âge, diversité d’acteurs spatiaux, des groupes d’intérêt…). Cette diversité doit, elle aussi, être raisonnée et documentée.
Outils
De nombreuses techniques et outils peuvent ainsi être mobilisés pour la création de cartes mentales:
- Le dessin vectoriel:
- Le dessin à main levé scanné:
- Utilisez GIMP, Affinity Photo, ou Photoshop
- L’usage de cartes auto-extensives:
- L’usage d’un SIG (vectorisation de nouveaux objets dans un espace géoréférencé). Cette approche est particulièrement pertinente si vous travaillez à plusieurs échelles (exemple: espace de cyclomobilité + espace pédestre). N’hésitez pas à proposer à vos interlocuteurs de dessiner directement dans QGIS avec des outils d’annotations:
- Rappel des outils de base de vectorisation: Créez votre pays imaginaire avec qGIS
- Des outils intégrés et plugins de QGIS permettant de dessiner des figures géométriques et des annotations, ou d’ajouter du dessin à main levée. Notamment: l’outil intégré “Annotations Toolbar” et le plugin redLayer.
- ARAMMA: outil spécialisé pour le traitement de cartes mentales (Windows seulement).
Collecte et analyse des cartes mentales
Il n’existe aucune méthodologie prescrite pour le processus de récolte et d’analyse de cartes mentales. Vous êtes donc libre de définir votre propre processus; cela vous oblige cependant à le formaliser et à le documenter. Vous devez savoir quelle hypothèse vous souhaitez examiner. Vous devez également appliquer une méthodologie identique avec tous vos interlocuteurs, aussi bien au moment de la collecte des cartes qu’au moment de leur analyse. Cette méthodologie doit être documentée dans votre travail.
Vers une synthèse spatiale
L’un des grands défis des cartes mentales est la synthèse des perceptions d’une pluralité d’interlocuteurs dans une image commune. Rassembler toutes les cartes dans un espace topographique offre une solution. À cet effet, vous pouvez utiliser un logiciel de dessin permettant la superposition de couches d’information, un SIG comme QGIS (cf. Boschmann & Cubbon 2014) ou un outil spécialisé comme ARAMMA. Il est toutefois important de présenter à la fois les cartes originales (celles dessinées par vos interlocuteurs), la carte synthétique et leurs relations.
Consulter les recherches existantes
De nombreuses chercheuses ont employé des cartes mentales et il faut connaître leurs travaux pour éviter des pièges qu’elles ont rencontré, vous inspirer des solutions qu’elles ont trouvées, bref, pour ne pas réinventer la roue. Je recommande notamment les ressources suivantes:
- Lynch, K. (1960). The image of the city. M.I.T. Press.
- Pocock, D. C. D. (1976). Some Characteristics of Mental Maps: An Empirical Study. Transactions of the Institute of British Geographers, 1(4), 493–512. https://doi.org/10.2307/621905
- Lardon, S., & Piveteau, V. (2005). Méthodologie de diagnostic pour le projet de territoire: Une approche par les modèles spatiaux. Géocarrefour, 80(2), 75–90. https://doi.org/10.4000/geocarrefour.980
- Gueben-Venière, S. (2011). How can mental maps, applied to the coast environment, help in collecting and analyzing spatial representations? EchoGéo, 17, Article 17. https://doi.org/10.4000/echogeo.12625
- Gieseking, J. J. (2013). Where We Go From Here: The Mental Sketch Mapping Method and Its Analytic Components. Qualitative Inquiry, 19(9), 712–724. https://doi.org/10.1177/1077800413500926
- Boschmann, E., & Cubbon, E. (2014). Sketch Maps and Qualitative GIS: Using Cartographies of Individual Spatial Narratives in Geographic Research. The Professional Geographer, 66. https://doi.org/10.1080/00330124.2013.781490
- Dernat, S., Johany, F., & Lardon, S. (2016). Identifying choremes in mental maps to better understand socio-spatial representations. Cybergeo : European Journal of Geography. https://doi.org/10.4000/cybergeo.27867
- Aram, F., Solgi, E., García, E. H., S., D. M., Mosavi, A., & Shamshirband, S. (2019). Design and Validation of a Computational Program for Analysing Mental Maps: Aram Mental Map Analyzer. Sustainability, 11(14), 1–20. https://doi.org/10.3390/su11143790 . Les auteurs proposent notamment un logiciel pour l’analyse de cartes mentales.